Droit à congés payés et absence : de nouvelles règles votées mais...

Droit à congés payés et absence : de nouvelles règles votées mais non encore publiées

Dans notre lettre d’octobre 2023, nous avons fait état de changements importants dans l’acquisition et l’indemnisation des congés payés.

Précision importante : les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 24 avril 2024. Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, parue au JO du 23 avril 2024.

En effet, par deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, le droit français a été écarté au profit du droit européen en matière d’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP).

Pour mémoire, la Cour a jugé que le salarié en arrêt pour maladie non professionnelle pouvait prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période, alors que l’article L 3141-3 du Code du travail les subordonne à l’exécution d’un travail effectif, et que le salarié en arrêt pour AT/MP pouvait bénéficier de ses droits à congés payés au titre de l’intégralité de cette période, tandis que notre Code du travail limite à un an l’assimilation de ladite période à du travail effectif, en son article L 3141-5.

Compte tenu des possibles demandes de rappel d’indemnité de congés payés formulées par des salariés et anciens salariés, il était attendu que les pouvoirs publics mettent en conformité notre droit avec le droit européen.

C’est chose faite puisqu’ont été introduites dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, à l’article 37, les nouvelles règles qui devraient s’appliquer aux salariés et aux employeurs en la matière.

Il nous faut préciser, ici, qu’à cette heure le texte de loi a été voté par le Parlement définitivement le 10 avril 2024 mais qu’il n’a pas encore fait l’objet de sa publication au Journal officiel, condition pour son entrée en vigueur, sachant qu’une saisine du Conseil constitutionnel est toujours possible.

Nous vous présentons les principaux points à retenir selon que l’arrêt de travail est lié à un accident ou une maladie d’origine non professionnelle ou au contraire professionnelle.

I – Congés payés et arrêt de travail pour accident/maladie d’origine non professionnelle

A – Acquisition de congés payés

Nombre de jours acquis par mois

Désormais, un mois d’arrêt de travail pour accident/maladie de caractère non professionnel permet d’acquérir 2 jours ouvrables de congés, soit 80% de 2,5 jours ouvrables.

Nombre de jours acquis sur une année de référence

  • Un salarié en arrêt pendant toute la période d’acquisition de congés, du 1er juin de l’année N-1 au 31 mai de l’année N en règle générale, bénéficiera de 24 jours ouvrables au maximum, autrement dit 4 semaines de congés payés contre 5 semaines, 30 jours ouvrables, pour le droit commun.
  • Un salarié en arrêt sur une partie de la période d’acquisition verra le nombre de ses congés payés calculé en combinant 2 règles : l’une, de droit commun et l’autre, spécifique à l’arrêt pour accident/maladie d’origine non professionnelle.

Exemple : soit un salarié malade pendant l’équivalent de 3 mois sur la période d’acquisition de référence.

  • Pour la période de travail effectif de 9 mois, il acquiert 22,5 jours ouvrables : 2,5 jours ouvrables x 9 mois.
  • Pour la période d’absence de 3 mois, il acquiert 6 jours ouvrables : 2 jours ouvrables x 3 mois.

Total : 28,50 jours ouvrables sur la période contre 30 jours ouvrables pour un salarié qui aurait travaillé pendant toute la période.

Calcul de l’indemnité de congés payés

Pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle du dixième (à comparer à la règle du maintien de salaire pour retenir la méthode la plus favorable au salarié), la rémunération correspondant à une période d’arrêt de travail est prise en compte à hauteur de 80%

Exemple : soit un salarié, rémunéré à hauteur de 2 000€ par mois, malade pendant l’équivalent de 3 mois sur la période d’acquisition de référence.

  • Pour la période de travail effectif de 9 mois, la base de calcul au titre de cette période est de 2 000€ x 9 mois = 18 000€.
  • Pour la période d’absence de 3 mois, la base de calcul est de 2 000€ x 80% x 3 mois = 4 800€.

Base de calcul de l’indemnité totale : 18 000€ + 4 800€ = 22 800€.

B – Prise des congés payés

1 – Le salarié est revenu travailler

Période de report

Les congés payés acquis avant l’arrêt de travail, qui n’ont pas pu être posés pendant leur période de prise, 1er mai de l’année N au 31 mai de l’année N+1 en règle générale, sont reportables sur une période de 15 mois. C’est un minimum légal ; la durée peut être allongée par accord d’entreprise, d’établissement ou encore par convention ou accord de branche.

Point de départ de la période de report lié à une information de l’employeur

La période de report ne peut débuter que si l’employeur communique au salarié, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, et dans le délai d’un mois suivant la reprise du travail de ce dernier, les informations suivantes :

  • le nombre de jours de congé dont il dispose,
  • la date à laquelle ces jours de congés peuvent être pris.

2 – Le salarié est absent depuis au moins un an

Un salarié absent depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition des congés payés peut également reporter les congés acquis durant son arrêt dans un délai de 15 mois.

Toutefois, le point de départ du report débutera à compter de la fin de la période d’acquisition concernée et non à son retour au travail.

C – Date d’application des nouvelles règles

1 – Entrée en vigueur des nouvelles règles

Elles entreront en vigueur au lendemain de la publication au Journal officiel.

2 – Rétroactivité

Une application rétroactive à compter du 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ayant donné force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui porte, notamment, sur les droits du travailleur dont les congés payés) est prévue pour les dispositions suivantes :

  • l’acquisition de 2 jours ouvrables de congés payés durant un arrêt de travail, dans la limite de 24 jours ouvrables,
  • le report des congés payés de 15 mois.

Exemple : soit un salarié malade pendant l’équivalent de 3 mois sur la période d’acquisition de référence du 1er juin 2019 au 31 mai 2020. Il a effectivement travaillé les 9 autres mois.

  • Pour la période de travail effectif de 9 mois, il a déjà acquis 22,5 jours ouvrables : 2,5 jours ouvrables x 9 mois.
  • Pour la période d’absence de 3 mois, il ne bénéficiera pas au titre de la rétroactivité de 6 jours ouvrables : 2 jours ouvrables x 3 mois mais uniquement de 1,5 jour ouvrable.

D – Délais pour agir en justice

1 – Le salarié est en poste dans l’entreprise

Le salarié en poste dans l’entreprise qui souhaiterait réclamer à son employeur des droits à congés payés pour des arrêts de travail pour accident/maladie d’ordre non professionnel survenus depuis le 1er décembre 2009, aura 2 ans pour saisir le juge à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Passé ce délai de 2 ans, il ne pourra plus faire valoir ses droits en justice.

2 – Le salarié a quitté l’entreprise

La loi ne prévoit pas de disposition particulière dans ce cas.

Ce sera donc les règles de droit commun en matière de prescription des salaires qui s’appliqueront ; il aura 3 ans à compter de la rupture de son contrat de travail pour agir en justice afin d’obtenir le paiement d’indemnités compensatrices.

II – Congés payés et arrêt de travail pour accident/maladie d’origine professionnelle

A – Acquisition de congés payés

Nombre de jours acquis par mois

Sans changement, un salarié en arrêt de travail pour accident/maladie de caractère professionnel bénéficie de 2,5 jours ouvrables de congés par mois d’absence.

Nombre de jours acquis sur une année de référence

Un salarié absent pendant toute la période de référence acquiert 30 jours ouvrables, soit 5 semaines de congés payés.

Limite dans le temps supprimée

Le changement d’importance apporté par la loi est la suppression de la limite d’une durée ininterrompue d’un an de l’arrêt de travail pour l’acquisition de congés payés.

Le salarié acquiert des congés payés pendant l’intégralité de son arrêt de travail pour AT/MP.

Calcul de l’indemnité de congés payés

Pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle du dixième, la rémunération correspondant à une période d’arrêt de travail est prise en compte à hauteur de 100 %.

B – Prise des congés payés

Les règles énoncées ci-dessus quant à la période de report de 15 mois ainsi qu’à son démarrage à la date de réception de l’information de l’employeur au salarié ou à la fin de la période d’acquisition s’appliquent également.

C – Spécificité pour la rétroactivité

Les règles entreront en vigueur au lendemain de la publication au Journal officiel et la rétroactivité au 1er décembre 2009 jouera pour le report des congés payés de 15 mois.

Par contre, la loi ne prévoit pas de rétroactivité en ce qui concerne la suppression de la limite d’un an pour l’acquisition de congés payés.

D – Délais pour agir en justice

Toutes les dispositions exposées ci-dessus pour un salarié en poste dans l’entreprise comme celui qui a quitté l’entreprise s’appliquent de la même façon.