Largeur de gamme, logistique et communication des points à ne pas négliger...

Largeur de gamme, logistique et communication des points à ne pas négliger dans la réussite de son projet

Élargir son offre en élaborant des produits prêts à consommer

La demande des clients urbains s’oriente vers des produits élaborés et cuisinés, notamment en fruits et légumes, voire en viande bovine (conserves, plats congelés…). Des produits prêts à consommer, qu’ils ont l’habitude de trouver dans leurs supermarchés. Il y a un véritable gisement de chiffre d’affaires et donc de valeur ajoutée à capter pour les producteurs fermiers. Cela permet souvent de donner de la valeur à des matières brutes mal valorisées (défaut de calibre, surproduction en pleine saison…) pour les maraîchers ou les arboriculteurs, qui ont souvent des produits non vendables ou non stockables donc rapidement périmés.

D’autre part, l’offre de produits en conserve, de plats cuisinés fermiers, est très limitée. Il faut dire que l’élaboration de plats est un autre métier, et il est vrai que les réglementations sanitaires peuvent faire peur ! Il faut aussi apprendre à utiliser du matériel spécifique tels les autoclaves et avoir un agrément pour cela. Il faut cependant régler le problème du laboratoire de transformation, avec légumerie et autres équipements qui ne peuvent dans un premier temps être accessibles financièrement que collectivement. La balle est dans le camp des collectivités territoriales et des collectifs de producteurs pour proposer des équipements qui vont véritablement ancrer les produits fermiers dans le panier de la ménagère.

La logistique est le nerf de la réussite

La forte envie de consommer local a révélé l’inadéquation entre les zones de chalandise, notamment les aires urbaines, et la localisation des producteurs, souvent très éloignés des grandes agglomérations. Les producteurs sont peu organisés collectivement pour assurer l’acheminent de leur production. La crise du Covid a mis en exergue ces dysfonctionnements. Certaines plateformes ont pris le relais pour tenter de combler ce manque, mais les volumes concernés ont, somme toute, été très limités. Cette inadéquation est d’autant plus regrettable que nombre de producteurs de légumes ou fruits (asperges, fraises) n’ont pas pu commercialiser leur récolte en raison de leur éloignement des centres de consommation. Il en est de même pour des producteurs de fromages qui, en raison de la fermeture des marchés de proximité ou bien du fait qu’une partie de leurs ventes se réalisent à la ferme, n’ont vu aucun consommateur. L’approvisionnement des plateformes urbaines aurait pu être une alternative dont peu de producteurs ont bénéficié du fait de leur faible organisation collective et leur méconnaissance de ces circuits urbains.

Dans le prolongement des problèmes de logistique, des producteurs se sont trouvés débordés dans la gestion des commandes venues de nouveaux clients souvent éloignés de la ferme. Il a fallu en catastrophe gérer les envois de colis (Chronofresh a vu son activité croître fortement). Nombre de producteurs n’ont pas répondu à ces commandes faute, notamment, d’outils de paiement à distance. Trop peu d’exploitations en circuit court ont développé des sites Web, et donc elles n’ont pas la possibilité d’utiliser les briques sécurisées de paiement à distance.

Pourtant l’offre bancaire est en train d’évoluer à grands pas pour offrir des outils rapides, fiables et peu coûteux. Ces outils prennent en compte la particularité des transactions fermières : petits montants, diversité des produits et des circuits de distribution…
Le smartphone va remplacer le portefeuille.

Communiquer, c’est concrétiser la création de la valeur

On dit que le moteur de la communication c’est la nostalgie et l’enthousiasme, deux dimensions qui caractérisent la production fermière. C’est aussi informer et faire rêver.

La nostalgie, parce qu’il y toujours une histoire à raconter dans les circuits courts, autour de la géographie du territoire, de l’ancrage du produit, du système de production, des originalités de la recette… C’est aussi l’histoire du projet et du producteur. Le tout donnant du corps au produit fini.

L’enthousiasme et le rêve vont transporter le client dans un univers de plaisir, d’envie, vers une dimension plus irrationnelle. Attention donc à ce que la promesse de satisfaction soit au rendez-vous ! Attention à ce que les qualités gustatives que le client veut retrouver soient conformes à ce que le producteur a promis ! Le risque commercial est majeur si les promesses du produit ne sont pas au rendez-vous.

D’où l’intérêt de préparer toutes les actions de communication et de relation avec les clients. Cela pose aussi la question du lieu et de la forme de vente. Le producteur est-il en lien direct avec le client ? Si c’est le cas, il porte l’entière responsabilité de la communication commerciale. Si ce n’est pas le cas, c’est-à-dire que la vente est indirecte, il va falloir soigner la présentation du produit (packaging original, informatif), briefer le vendeur sur les atouts du produit, et organiser une PLV (publicité sur le lieu de vente).

On l’aura bien compris, la relation avec le consommateur est au cœur de la création de valeur autour des produits fermiers. C’est ce qui différencie ces produits des autres produits alimentaires, marketés ou non. Peu importe le canal de distribution, l’important sera ce que le consommateur aura apprécié et retenu de la relation avec le producteur et/ou son produit… et qui lui donnera envie de revenir.

En conclusion, la demande est de plus en plus dynamique, la balle est dans le camp des producteurs qui doivent y répondre au mieux. Pourtant, si le nombre de projets fermiers tend à croître, leur pérennité n’est pas assurée. Trop de projets sous-dimensionnés, trop chronophage et faiblement rémunérateurs posent la question des clés du succès d’une exploitation agricole en circuit court. Toutefois, certains agriculteurs démontrent que ce modèle alimentaire peut faire (bien) vivre la famille, et que le potentiel de succès est devant nous en améliorant notamment la valeur apportée par ces produits alimentaires.

Entreprendre en circuit court offre des opportunités de business comme peu de secteurs peuvent en offrir. Pour un entrepreneur, ne pas avoir de soucis de débouchés, cela peut être très précieux. Pourtant, cela ne donne pas le droit de s’affranchir d’une bonne gestion de l’entreprise, dont les cinq points traités dans cet article rappellent l’exigence.

L’idéalisme ne doit en aucun cas faire oublier le réalisme !

Jacques Mathé est l’auteur du livre « 10 clés pour réussir en circuit court », paru en juillet 2017 aux Éditions France agricole.

Source : Revue française de comptabilité