Covid-19 et force majeure

Covid-19 et force majeure

Nos entreprises, associations, commerçants, professionnels libéraux… doivent aujourd’hui composer avec une donnée majeure qui leur est imposée : la capacité d’échanges physiques est pratiquement impossible, et ce au moins jusqu’au 15 avril 2020.
Dans ce contexte, on lit ou entend de plus en plus régulièrement, ces derniers temps, que la force majeure serait l’argument massue à utiliser pour justifier que l’on ne peut plus honorer un contrat et s’en sortir sans frais.
S’agissant des mesures particulières annoncées le 16 mars au soir par le Président de la République, telle la suspension des loyers, factures d’eau, de gaz, d’électricité…, on attendra les précisions dans les textes à venir. À suivre donc.
Mais pour tous les autres contrats, les acteurs économiques ont pu et peuvent se trouver dans des situations où l’exécution n’a pas eu lieu.

Définition de la force majeure

Que dit la loi, d’abord ? Selon l’article 1218 du code civil :« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

Le covid-19 : un cas de force majeure ?

Le 30 janvier 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que le covid-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale10.

À ce jour, 200 000 cas ont été confirmés dans le monde, dont près de 8 000 en France. Il s’agit d’un virus létal. En outre, de nombreuses inconnues demeurent, ce qui pousse les autorités nationales et les organisations internationales à la plus grande prudence. Des mesures sans précédent sont prises par les pouvoirs publics en France, et la vitesse d’enchaînement des textes réglementaires et bientôt légaux démontre clairement le caractère inédit et dramatique de la situation.

Ces décisions des pouvoirs publics, qualifiées en droit de « fait du prince », en ce qu’elles limitent et interdisent les rassemblements et déplacements de personnes, sont également des circonstances de force majeure constituant un obstacle insurmontable à l’exécution d’obligations conventionnelles.

On peut raisonnablement soutenir que les cas de force majeure liés au covid-19 lui-même et aux mesures restrictives prises par les pouvoirs publics se rejoignent.
Il est donc possible d’invoquer la force majeure à compter du 4 mars 2020 comme motif valable rendant impossible l’exécution d’un contrat.

Attention à la chronologie !

Cette date est toutefois la plus précoce possible. Car, pour faire valoir la force majeure, il faut aussi démontrer le lien qui existe entre l’événement et l’impossibilité d’exécuter.
Ainsi, celui qui avait réservé une salle de colloque pour 2 000 personnes peut invoquer la force majeure depuis l’arrêté du 9 mars 2020. Mais l’entreprise qui a réservé une salle de réunion pour 150 personnes ne le peut qu’à compter de l’arrêté du 13 mars 2020.

Dernière précision et non des moindres, la force majeure, par principe, suspend l’exécution du contrat mais ne fait pas disparaître définitivement l’obligation de l’exécuter.
C’est le sens de l’article 1218 lorsqu’il indique : « Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».

Autrement dit, toutes les obligations qui ne peuvent être actuellement honorées (travaux, location de salle, organisation d’événements, formation professionnelle, etc.) doivent être reportées et devront être réalisées dès que la situation le permettra.
Ce n’est que si le retard pris rend inutile ou caduque la prestation, que le contrat peut être définitivement résolu ou si bien sûr l’empêchement est définitif, ce qui ne sera pas le cas, pour le coronavirus. L’obligation est alors purement et simplement éteinte, conformément aux articles 1351 et 1351-1 du code civil. Et le régime des restitutions s’applique, ce qui peut constituer un facteur de complexité si le contrat a été partiellement exécuté, le fournisseur ayant pu commencer à engager des frais ou le client verser des arrhes ou acomptes.

En conclusion, face au coronavirus, la prudence du citoyen commande d’appliquer toutes les mesures « barrières » de protection et de respecter les prescriptions de confinement des autorités ; la prudence du cocontractant lui impose de bien analyser sa situation propre et son contrat, avant d’invoquer la force majeure.